vendredi 16 mai 2008

j'avais des larmes plein mes yeux


J’avais des larmes dans mes yeux

- L’as-tu vu ?( silence )

Le bleu.

- Oui, couché sur la pente.

Escarpé aussi, ( silence )

Le bleu….

- Arrivés en bas, on ne distinguait plus le chemin.

On était six dans la voiture.

Ça sentait si fort que je devais respirer lentement.

Le plus vieux a posé une question embarrassante,

personne n'a voulu y répondre.

- Je n’aime plus rouler en voiture, je me sens à l’étroit.

Sur les grandes routes, c’est étouffant.

A pied, je vais à pied, partout où je dois me trouver, je marche.

- Tu boîtes.

- Trois jambes, le bois de ma canne soutient ma peine,

mon chemin se fait sur son appui.

.

- Le vieux a dit :

« Qui ne s’est pas lavé ce matin ? «

Mais personne n’a répondu. ( silence )

Le matin j’ouvre à peine les yeux, je reste un peu dans le noir

et je vais ouvrir le robinet d’eau froide.

C’est une coupure nette, l’inconnu me tient endormie toute une nuit,

mais il faut quitter les rondes chaleurs de l’enfance.( silence )

Ce n’était pas moi qui sentait mauvais,

même si j’étais l’étrangère.

- Les chasseurs n’ont pas eu envie de te tirer dessus ?

- Non, ils avaient d’autres projets en ce qui me concerne.

Le vieux donnait le la.

Tous voulaient l’imiter, tuer comme lui, être séduisant comme lui, méchant aussi.
Tout comme le vieux, celui qui commande, qui mange le premier,

qui conduit la voiture toute neuve. Bleue métallique.

Le petit fils est venu nous suivre pour la première fois, il venait pour tuer des petits animaux.

Il a touché une colombe toute fine, jeune oiseau son plumage était gris, lisse.

La colombe a fait un drôle de bruit en s’écrasant au sol, juste devant moi.

- Qui avait tiré ?

- L’enfant.

- Il l’a tué ?

- Non. L’oiseau a tremblé, l’enfant aussi.

Puis un type a dit :

« Appuis sur sa gorge avec tes pouces, avec force «, a-t-il ajouté.

- Quel horreur !

- Oui, mais il le fallait.

La colombe tremblait toujours, le garçon suait, ou peut-être qu’il pleurait…

il se retenait, sa bouche était si proche du bec de l’oiseau, il aurait pu l’embrasser.

- Je hais la chasse !

- Je hais les chasseurs.

- L’oiseau, est-il mort ?

-Oui. Le type lui a arraché la tête rien qu’en lui tordant le cou.

Il a ancré son pouce dedans et très vite il a séparé la tête du corps.

L’œil est resté ouvert, la cruauté du geste était insoutenable.

Le silence pesait sur nous, aucun bruit n’a accompagné cette mort.

L’enfant a reculé d’un pas, son menton s’est soulevé,

il a inspiré et puis il n’a pas pu continuer.

L’homme n’a rien vu, il a commencé a déplumer la colombe

encore toute chaude d’une vie et du sang qui l’animait.

Quand il eut fini, l’enfant a pris ce qui restait de la bête

et plongea son petit doigt dans le trou fait par la chevrotine.

Il n’a rien dit, ses yeux étaient secs, comme l’air.

- C’est bizarre, j’ai l’impression de l’avoir rêvé

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