mercredi 10 octobre 2007

un tas devant moi (extrait)

un tas devant moi

personnages A et B.A est assis derrière « le tas « , on entend sa voix.
B est derrière, fond de scène et bouge dans l’ombre.



B - ça commence, ça va commencer, c’est bon, c’est fait.

A – je suis derrière, à ma place.

B – je l’entends.

A – un tas de mots me brouillent l’esprit,

j’ai les mains libres pourtant.

B – je reconnais ta voix.

A – je suis la voix, les choses qui m’entourent sont à leurs places.

B – je ne me souviens pas de leurs noms…Hum…sniff…ça sent

quelqu’un ici, ou son pull, c’est pareil.

A – est-il mort ? est-elle ici avec nous ?

B – sniff…hum, je ne sais pas, non…il ou elle était … sniff, sniff…

je me souviens, un soir je me suis couché sur lui, ou sur elle…

hum, sniff, enroulé au plus profond de son corps, de son tricot gris.

là où son dos suait le plus, je m’en souviens.

au creux de sa nuque, dans son col, hum, sniff.

il ou elle , ensemble dans le tricot de ses laines.

A – je les sens aussi, vivants, filés dans leur sueur

au plus près de leurs nuques.

B – tu me répètes.

A – je suis la voix .

B – je l’entends, je creuse ce dos vide où je me loge.
ma carcasse est fragile et se meut sans aucune pensée.

j’ai besoin de ta voix pour balancer mes os sur la table

comme des amulettes pendues au vent.

A – tu n’es pas humain, si ?

B – j’ai oublié si jadis mon identité se formait là où naissent

les enfants, dans la poche de la mère intérieure.

ai-je bu le liquide amniotique de ma vieille mère ?

son jus était-il gris, comme moi, aujourd’hui ?

des saloperies que j’ai du engorgiter pendant

les trois fois trois mois de sa grossesse.

qui peut se souvenir de sa « vie secrète «,

de cette loge qui nous abrite du monde ?

A – je suis la voix, je peux creuser.

B – tu étais où avant ?

A - je faisais des courses.

B – qui t’a poussé à joindre les mains ?

pas pour la prière, non, mais pour écraser

le dernier souvenir du bonheur

rendu après la caresse…

A - c’est quoi une caresse ?

B – creuse ton souvenir et le mien. je ne suis plus de chair,

je suis un musicien qui joue ses os sur la table.

A – comment est-elle la table ?

B – petite, unijambiste malgré les trois tacots rafistolés

en guise de pieds.
- Chaussée d’une botte de l’armée, un souvenir d’un soldat…
sûrement un héros.
A – pardon ?
B – obligé.
A – tu as regardé dans ses poches ?
B - …non. ça alors, non !


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