samedi 20 octobre 2007
deux sur le perchoir
DEUX SUR LE PERCHOIR
(suite)
- Pourquoi serais - tu le premier ?
- Pas de raison, c’est pour ça qu’on est amis.
- On est amis ?
- Peut-être pas.
- J’aurais préféré manger un ami.
- Je ne suis pas encore tombé du perchoir.
- Je te promets de faire tout pour te sauver.
- Oui, pas moi.
- Je sais, tu aimes les voir voler, tu dis ensuite
que tu regrettes.
- J’aime bien garder des souvenirs heureux.
- Le sang sur ta chemise, c’est triste, non ?
- Ca me fait pleurer de joie.
- On pourrait tenter l’abandon à la mort.
- Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Pendant la guerre on a laissé mourir de faim
les fous dans les asiles.
- Je ne veux pas écouter.
- C’est la vérité.
- Combien ?
- Autour de quarante mille.
- On les a mangés ?
- N’importe quoi !
Non, on les a lobotomisés, électrocutés,
fait des expérimentations dessus…
mais non, ils n’ont pas mangé les fous.
- Et alors ?
- Alors, rien.
Ils les ont affamés.
- Comme nous.
- Pire, je crois.
- La faim c’est toujours moche.
On oublie même que l’on a eu une mère,
des jouets et un papa le soir tard,
qui nous bordait dans le lit petit et chaud.
- T’as eu tout ça toi ?
- Je ne sais plus.
- Tu as dû lire cela dans une revue.
- Je lis très mal quand même,
néanmoins, je pense juste.
- Donc les infirmières de l’asile…
- Oui, la petite brune aux urgences…gentille.
- Non, pas ça, écoute…
- Alors, c’est celle qui t’a piqué aux fesses
pour le vaccin contre la rage.
- ça c’était à cause du renard.
- Oui, je sais.
- Un chien roux, égaré, comme nous trois.
- On est deux, non ?
- Aujourd’hui nous sommes encore deux,
mais à l’époque…
- Anna ?
- Oui, Anna.
- Elle me tenait la main.
- Et le renard lui, chassait les poules.
- Si tu veux.
- Jamais je dirai, le mot que tu attends.
- Lequel ?
- Pardon.
- Tu l’as dit.
- De la bouche, c’est assez pour te faire plaisir.
- Alors les infirmières, les médecins,
se partageaient le dernier éléphant
du zoo de Vincennes !
- Enorme !
- Haché menu.
- Trop dur.
- Trop nerveux ?
- Malade.
- Et très triste.
- Gris cendre.
- Souris.
- Une grande peur devant l’inconnu.
- Le petit qui chasse le gros.
( chuchotements )
- Ecoute !
- Quoi ?
- La nuit tombe sur mon visage, oblique.
(lm)
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