Depuis que vous êtes parti la fontaine des amours c'est tarie...
Lamentation de Pedro, o cru
Ma belle amante, ma petite, mon cœur,
il est tard, il est déjà trop tard,
c’est fait et plus à refaire.
Mon cœur a séché,
je me noie dans la rareté de ses larmes.
Il est tard, il est déjà trop tard.
Les vers,
les insectes vont te dévorer,
le temps fera de toi
un paillon à la nuit brève.
Les morts regardent de l’autre côté de l’abîme,
de l’autre côté du puits,
ils arrivent du fond de la peur.
Oh ma belle amante, ma toute petite, mon cœur!
La barque de Caron ne peut se fier à la lune.
Ombres et battements d’ailes furtifs
glissent sur le Styx.
Va-t’en mort !
Gueule de chauve-souris au museau ridé.
Elle te prend sous son manteau de poussière.
Des fleurs poussent sur les pierres.
Il est tard, il est déjà trop tard.
Mon amante, ma toute petite, mon cœur,
j’ai un couteau planté dans ma bouche.
Une dent de loup te coupe la lèvre,
et c’est moi qui saigne.
Après t’avoir pleuré,
je te dis:
Ma toute petite, ma belle amante, mon cœur !
Dieu t’a insufflé la vie
par le « baiser de sa bouche «
tu as avalé une partie de son âme.
Après, tu as chuté dans le monde
et je t’ai rencontré.
Nu dans les plis de nos draps,
je crie à la nostalgie.
Tu as le visage gris de l’absence.
Tu es la mère du vent,
reviens et souffle sur ma peine.
Sur la pourpre désolée de mes lèvres,
Sans toi, j’ai les mains déracinées.
Sens-tu le benjoin, la myrrhe et le nard ?
Ils embaument tes cheveux coiffés par Martin.
Ma belle amante, ma toute petite, mon cœur,
il est tard, il est déjà trop tard.
Les oiseaux tombent dans le puits,
tu suis ton étoile, nous sommes faibles,
les animaux sont faibles,
l’un est le lieu de l’autre.
Oh mon cœur, ma toute petite, ma belle amante!
Mon dernier cri est pour toi.
je libère mes mains.
Pour toi, la rose se plie
De beauté et de velours rouge.
Pedro, o cru, Bruxelles, Paris, 31 octobre 2005.
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