( ...)
L’homme grignote la pomme
fabrique l’antidote bleu
dans sa large poitrine
tournée vers le Nord
lavée de tout soupçon
clairement exposée au gel de l’aube
le visage frais
la peau lisse
dans la gorge le fruit reste visible
pique la peau
marque son profil
un putain de trognon aux pépins noirs
je passe
je nageais dans les eaux tréfondes
une main fantôme tenait un arc
immensément tendu
il réclamait la visibilité de mon corps
pour mieux briser le cadre
et déchirer la toile
niant le récit en point de croix
si j’avais pu cracher la teinture noire
poisseuse
avalé pendant le sacrifice
et me délivrer des liens,
de la jambe tronc
fuir les douze flèches, sinon plus…
mais, tout a été offrande
et le rituel muet
est devenu nourriture pour l’homme
pour mon corps au quotidien
j’étais le fruit pourri au sexe oublié
ouverture sans regard,
bras trop longs dos gros
ventre proéminent roulé sous la chemise
bouche absente soif permanente
large langue blanchie
mains noueuses poitrine rayée
jambes crayonnées de bleues
pieds meurtris et j’ai du porter ceci
comme une valise vide de sens tout le long de la marche !
celui-ci ou un autre me dis-je
puis sa carrure s’offre à mes yeux
et le relief prend place à l’endroit précis des objets
l’eau devient source claire et apaisée
je bois le café
son velours me caresse la gorge
lave ma langue colore sa joue
devant l’autel installé sur ma table
où se mêlent des fleurs d’hier, pommes dorées
les chevaux jouets du Népal
les photographies de mes amours, tous
qu’est-ce qui allège alors la tension des jours,
console mes nuit ?
nous, blottis comme un nouveau-né
les bras serrés, neufs
vibrants au milieu d’une bataille
maintes fois livrée
ce rituel tient à la jouissance
et le guerrier connaît sa victoire
l’a domine
car il est lui-même porter du trophée
si un mot s’échappe dans la mêlée
glisse dans ma main
( elle quémande son baiser )
seigneur, si moi la femme récompensée
dans sa nature de figue écartelée
vient à lécher tout le corps de l’homme aimé
comme une louve ferait à son petit
roulé hors de son ventre
pardonnez alors à la nature
ce qu’elle retient encore dans sa griffe
rien ne laissait prévoir que ma chute a été si fatale
devant la mer
l’océan battu
vient me voler son prénom
ouverte au moment propice à l’amour
et du vent souffle
de son haleine brûlante
je garde moi, morsures et douces empreintes
d’une bouche ornée d’une dentition irrégulière
massacrante et bénite
l’homme lâche sa semence
aussitôt me brise la nuque
un vrai guerrier
parole délivrée enfin de l’ancestrale peurd’être repoussée encore et encore
hors du giron du père aimé
absent, autoritaire
je vous dis que ce père
que j’ai reconnu en toute crainte
comme étant le bourreau
qui embrasse la bouche du condamné
avant de lâcher sa hache
je garde intacte la pose le cou tendu vers la lame
je deviens le cadavre offert à tous en place de grève
les fleuves coulent, lavent les pieds des pèlerins
les croyants murmurent leurs secrets en fin avoués
je lave tout à grands seaux d’eau et je frotte
je frotte jusqu’à ce que la peau imprime cette volonté
j’efface les petites morts qui ont coulé sur mes cuisses
et vous ont béni de chaudes baptêmes
de prières languissantes
de libertinages enfantins
ils sont tous comme ça, me dis-je
cette valise qui ne porte en elle que l’attente
est étrangement la même, pour nous toutes
les poitrines offertes des guerriers
ont des armures telles que seule une fine épingle glissée
entre deux lames
proches du cœur du héros
pourrait avoir foi de leurs craintes. ( ...)
LM
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