lundi 31 janvier 2011
...non, rien ne laissait prévoir l’allure courbée de mon dos après.
dépliée alors, je le portais. pas le vrai corps, celui de la chair
restait couché au bord de l’eau ou sur elle.
mais... je gardais l’odeur de tout enroulée dans une serviette
éponge cachée au fond du placard. Signe et signature de l’oubli.
mais... je gardais l’odeur de tout enroulée dans une serviette
éponge cachée au fond du placard.
LM
vendredi 21 janvier 2011
AGUSTINA
Dans la maison de Gustine, après les vêpres,
la lumière descend pour épouser les angles droits des armoires.
Elle boit la blancheur amidonnée des napperons et parsème d’ombres
les pieds des tables.
Un papillon fuyant sous le tapis, aidait le jour à s’éteindre.
Moi, j’attendais la nuit pour écrire.
C’est l’heure où la maison s’anime du bruit familier des casseroles et du souffle du feu.
Au milieu de la pièce, l’enfer se laissait dominer par deux mains, jetant dans la marmite,
des morceaux de viandes découpées, un chou ébouillanté à la cannelle, trois patates douces
biaisées par un couteau infernal, un gros navet bien violet, deux feuilles de laurier, du romarin,
et ainsi le bouillon du lendemain, ne sera que plus goûteux.
Je gardais les yeux mi-clos à cause de la fumée et soumise à une telle sagesse,
j’observais.
Soudain, un rire frappa très fort contre le mur de casseroles cuivrées,
qui se mirent à vibrer.
Ma chaise bascula en arrière et fit un bruit d’arbre sec en se brisant un pied.
Voici le prodige : Augustina venait d’entrer dans la cuisine, toute nue,
ayant pour seul artifice, un petit chapeau à plumetis, couleur betterave.
Sa bouche brillait, cela lui donnait une sorte de visage achevé
sur un corps étrangement blanc.
Des fines traces de ligatures marquaient ses poignets.
Ses petites mains d’enfant avaient été maintenues en prière,
attachées par sa mère pour la punir d’un trouble des sens, quand elle avait dix ans.
On l’avait surprise se touchant devant les belles casseroles astiquées.
L’innocente ne voulait qu’explorer son petit sexe rose,
mais personne n’a su éviter la brutalité qui a suivit l’affaire.
_ Vicieuse, lui cria sa mère et elle lui attacha ses poignets avec des bouts de draps usés.
Elle resta une journée comme ça, dos au mur, en retenant son urine,
car ce trou n’était autre que celui du diable à trois cornes.
D’ailleurs, elle sentait une d’elles lui piquer le fond du vagin.
Un sentiment de vengeance monta de ses entrailles suivi d’un soulagement.
Elle venait au bout de tant d’heures de souffrance, pissé enfin, inondant le sas
où elle fut enfermée.
L’odeur âcre de l’urine, la chaleur moite sur ses pieds l’on réconforté,
et puis elle s'est dit, que c’était peut-être le souffle du malin, que son trou vomissait.
De peur, elle s’évanouit, depuis lors, elle garda serré dans ses poings, un secret.
Jamais elle ne se dénuda, même quand a Pacques tout le village
sortait se laver plaies et péchés dans les termes.
Une expiation collective, communale et festive.
Seule une serviette autour de la taille, cachait leur intimité.
Les femmes poussaient leurs seins entrant victorieuses dans le bain,
le brouillard pendu au bout, comme un voile humide.
Augustina, les poings crispés, une ficelle rouge roulée autour de ses doigts,
traversait le bassin en psalmodiant une litanie, à l’articulation exacte.
Elle resta suspendue à la vie, au souvenir du rêve avant le reflet dans les cuivres.
On l’avait frappé ensuite, comme si sa peau était une sorte d’instrument de musique,
où l’on ferait sortir la fausse note à force de violence.
Non, elle n’était pas muette non plus, seulement arrêtée par des lacets fortement tenus,
serrés, une petite vie étouffée par l’ignorance.
Augustina déplaçait sans cesse, le centre de sa peine.
Eh bien, aujourd’hui elle était nue devant toute une assistance,
celle qui préparait le repas du soir, ses cheveux mystérieusement disparus ,
roulés à l’intérieur de ce bibi ridicule.
Un casque de gorgone aux reflets rougeâtres, les plumetis en sus.
Elle ouvra grands ses yeux et la bouche en cul de poule, elle se préparait
à vous réciter une parole ancienne.
- Eh bien, accouche! répliqua sa mère, en la pointant avec sa cuillère en bois
mordue à la tache - as-tu perdu ta langue, aussi bien que tes vêtements ?
L’autre garda ce rictus labial, qui s’agrandissait comme un gouffre immense,
d’où la mer sortirait de son écume, une rage soudaine.
Mais rien ne sorta.
J’ai tenté une approche, en lui tendant mon bouquet de pissenlits,
et en les secouant sous son nez, je disais :
- Quand tu auras passée ta belle robe mauve, on ira en chercher d’autres.
Cette année elles ont goût d’amande, n’est-ce pas ?
- Mais tu es folle, ma pauvre fille, me cria ma tante, elle n’ira pas cueillir des pissenlits,
avec le chapeau de la noce à Camille sur sa tête de linotte !
Augustina, monte passer ta blouse bleue, celle du soir, va,
tu pourras garder le chapeau si ça te chante, mais pour l’amour du ciel, ferme ton clapet,
tu as l’air d’une poule qui a perdu son chemin.
Augustina restait là, blanche comme le linge de maison et puis d’un seul bond, d’un seul,
elle se jeta entière sur la table.
Ma tante poussa un cri si puissant, que le chien s’est aplati sous l’évier, comme une éponge sale.
On regardait sa queue se ramasser lentement, quand mon oncle claqua la porte d’entrée.
Il se déchaussa et n’ayant pas fait trois pas à l’intérieur, il se retourna aussitôt,
glissant et dansant sur la pointe des pieds, les yeux clos, une poule fortement étranglée
contre sa cuisse :
-Qu’est-ce qui se passe ici, ce soir ?, cria t’il - que fait-elle, Augustina,
notre betterave, couchée tout du long, sur ma table.
- Ta table ? cria ma tante - ta table ?
A part poser ton plat et ton bol de soupe le soir,
le cul posé sur ton banc…
Et Augustina, nue et blanche, prête au sacrifice, au milieu des légumes, souriait.
Le petit chapeau avait tenu le choc, sa bouche continuait de briller, je la trouvais belle,
follement offerte aux yeux affligés de ma tante, qui engueulait mon oncle sous le porche.
Un silence étrange inonda la pièce.
Le chien glissa hors sa cachette et en rasant les murs, il se précipita au dehors.
Une ombre le croisa et profitant de ce chaos, elle vint nous glacer le sang.
Seule, ma cousine, nue comme un papillon de nuit, lumineuse, elle nous éclairait de sa peau lisse.
Elle enleva avec délicatesse son bibi, en détachant de l’étoffe, au préalable,
une longue épingle fine et perlée de nacre.
Ses cheveux éparpillés sur ses épaules, un navet par si, un chou par-là,
elle tenait au centre de cet étrange tableau, le rôle de la morte.
D’un geste sur, elle se planta l’épingle à chapeaux en plein cœur
et la nuit est rentrée par sa bouche, enfin close.
Ses mains tranquilles, lâchèrent une minuscule dent de lait sans faille,
ni racine.
LM,
Juillet 2009
aller dans les bois ( extrait )
aller dans les bois
un homme est assit sur un banc dans la pénombre.
derrière lui, quelqu’un debout.
silence.
le premier tourne une pomme de terre dans la main.
- la nuit est tombée, je ne vois plus clair .
- oui.
- mes yeux me trompent, je te connais ?
- non, je suis arrivé, il y a un mois, je logeais
au quartier des archives.
- ah… les archives de quoi ?
- des prisonniers, du courrier, les cartons de ….
- j’ai volé une patate…
- tu me fais confiance ?
- je suis déjà mort, non ?
- pour un mort…tu causes plutôt bien .
- je ne sens plus rien, à part une douleur diffuse
qui me mange les entrailles.
mon cœur bat si doucement…veux-tu le sentir
avec ta main ?
- laquelle ?
- la droite.
- je l’ai perdu dans le froid, gelée.
- ah, alors la gauche si tu veux bien.
l’homme allonge son bras gauche, touche le cœur de l’homme assit.
- tu as raison, on ne sent rien.
- pourtant .
je te confesse mon vol,
tu pourrais me dénoncer,
ici on n’a aucune distraction,
le mal est une bonne façon de s’occuper, d’avancer,
de trouver ses marques.
- tu me demandes de te dénoncer pour une patate ?
- les archives…ça devait être plus confortable, non ?
- oui, on ne mourrai pas si vite, à moins…
- d’aller en forêt, c’est le plus court chemin.
- on ne souffre plus.
- cette douleur au ventre, la faim peut-être.
- non, c’est plus profond que ça .
- il faudrait que je puisse manger davantage,
le corps n’est plus là, tout s’absente.
- pourquoi es-tu là ?
- je n’avais pas le nom convenu.
- montre-moi tes mains.
- non.
- allez, tu en a encore les deux…
- oui.
- as-tu peur que je te vole ta patate ?
- c’est cela.
- mais je ne le ferai pas
- la main gauche, c’est celle du démon,
tu peux l’utiliser contre moi.
- tu as le cerveau affaibli, le démon est ici chez-lui.
- je garde ma patate.
- tu peux, mais il va falloir que tu la coupes.
- en deux, tu veux dire ?
- par exemple.
- soit.
- tu partages ton bien ?
- c’est de l’or.
- la terre est si dure, ici je ne vois pas
ce qui pousserait.
- c’est du ciment.
- un long cercueil.
- avec une ville dedans.
- et nous ?
- je ne pense plus, j’essaie de regarder
sans ne rien fixer.
samedi 8 janvier 2011
deux chiens
deux chiens se croisent.
Premier chien
-Que fais tu?
- Je traverssssssssssssssssssssse.
-Où vis-tu?
-J'habite là, où la nuit tombe.
Fin.
LM
Premier chien
-Que fais tu?
- Je traverssssssssssssssssssssse.
-Où vis-tu?
-J'habite là, où la nuit tombe.
Fin.
LM
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