vendredi 21 janvier 2011

aller dans les bois ( extrait )


aller dans les bois

un homme est assit sur un banc dans la pénombre.
derrière lui, quelqu’un debout.
silence.

le premier tourne une pomme de terre dans la main.

- la nuit est tombée, je ne vois plus clair .
- oui.
- mes yeux me trompent, je te connais ?
- non, je suis arrivé, il y a un mois, je logeais
au quartier des archives.
- ah… les archives de quoi ?
- des prisonniers, du courrier, les cartons de ….
- j’ai volé une patate…
- tu me fais confiance ?
- je suis déjà mort, non ?
- pour un mort…tu causes plutôt bien .
- je ne sens plus rien, à part une douleur diffuse
qui me mange les entrailles.
mon cœur bat si doucement…veux-tu le sentir
avec ta main ?
- laquelle ?
- la droite.
- je l’ai perdu dans le froid, gelée.
- ah, alors la gauche si tu veux bien.

l’homme allonge son bras gauche, touche le cœur de l’homme assit.

- tu as raison, on ne sent rien.
- pourtant .
je te confesse mon vol,
tu pourrais me dénoncer,
ici on n’a aucune distraction,
le mal est une bonne façon de s’occuper, d’avancer,
de trouver ses marques.


- tu me demandes de te dénoncer pour une patate ?
- les archives…ça devait être plus confortable, non ?
- oui, on ne mourrai pas si vite, à moins…
- d’aller en forêt, c’est le plus court chemin.
- on ne souffre plus.
- cette douleur au ventre, la faim peut-être.
- non, c’est plus profond que ça .
- il faudrait que je puisse manger davantage,
le corps n’est plus là, tout s’absente.
- pourquoi es-tu là ?
- je n’avais pas le nom convenu.
- montre-moi tes mains.
- non.
- allez, tu en a encore les deux…
- oui.
- as-tu peur que je te vole ta patate ?
- c’est cela.
- mais je ne le ferai pas
- la main gauche, c’est celle du démon,
tu peux l’utiliser contre moi.
- tu as le cerveau affaibli, le démon est ici chez-lui.
- je garde ma patate.
- tu peux, mais il va falloir que tu la coupes.
- en deux, tu veux dire ?
- par exemple.
- soit.
- tu partages ton bien ?
- c’est de l’or.
- la terre est si dure, ici je ne vois pas
ce qui pousserait.
- c’est du ciment.
- un long cercueil.
- avec une ville dedans.
- et nous ?
- je ne pense plus, j’essaie de regarder
sans ne rien fixer.

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