samedi 22 septembre 2007

Deux sur le perchoir


EUX SUR LE PERCHOIR

( suite )



On est quel jour ?

- Samedi 2 octobre mille neuf quelque.

- Je le savais, ils vont venir et je ne suis pas prêt.

- A quoi ?

- A les suivre.

- Ah! C’est loin là où tu dois aller avec eux ?

- Pas trop non, mais je n’aime pas changer

ni de lieu, ni de chemise.

- Tu devrais, celle-là a du sang.

- C’est tout ce qui me reste d’Anna,

son sang séché.

- Une petite tache sombre

sur ton cœur d’assassin.

- Pas exprès.

- Elle a glissé.

- Je n’ai pas voulu la pousser.

- La faute à qui alors ?

- A rien.

- Elle était maigre.

- C’est ça, petite et maigre.

- Belle comme un roseau.

- Un bambou…

- Elle aimait le vertige, son abîme.

- Son cou s’est brisé en trois parties.

Craque, craque, craque !

Morte.

- Morte pour toujours.

- Pas exprès, je te dis.

- Elle ne voulait plus manger.

Son estomac rétréci n’était guère

plus gros, que le gosier d’un oiseau petit.

- C’était un jeudi, la piscine était toujours

fermée ce jour-là.

On pouvait pique-niquer sur le perchoir.

Assis à la queue leu leu,

une jambe de chaque côté,

on jouait à avoir peur.

- Elle n’avait ni faim, ni soif.

Tout son être se roulait vers l’intérieur.

Seuls ses yeux brillaient,

comme des feux follets.

-- C’était prémédité, tu crois ?

- Le vent était trop puissant,

j’aurais dû l’attacher.

- L’attacher à quoi ?

- A nous deux.

- C’est plutôt étrange comme solution.

On serait tous tombés de dix mètres

sûr du béton.

- Un vol de nuit, ensemble.

- Une chute accidentelle, grave.

- Elle ne voulait pas qu’on la sauve.

- Tu voulais autre chose ?

- Je l’aimais.

Elle mourait depuis longtemps déjà.

Le chagrin avait rempli sa poitrine

de milles peines surgies de l’avant.

- Tais-toi !

- J’ai peut-être aidé le vent à la tâche.

- Tu avais fermé les yeux.

- Ca c’était pendant la chute.

- Ta main tendue vers le vide voulait

la sauver ou la pousser ?

- Les deux.

- Craque, craque, craque.

- Tu ne veux pas faire avec la bouche

le bruit de son corps frappant le sol ?

- Ah, non, non, je refuse.

- Ecoute…( silence ).

- Du coton.

- Une ouate brisée.

- Des milliers d’âmes remplissaient

son corps de soupirs lointains.

- Comment tu sais tout ça ?

- Je ne sais pas. J’ai écouté.

Libellés : -dialalogue, 2007, DEux sur le perchoir, lidia.photo: graça passos

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